Inspiration, mon amie
Alors que je cherche sur quel sujet baser mon prochain article, je sèche. Aucune idée ne me vient. C’est la panne d’inspiration. L’inspiration… Bonjour, mon amie ! Et si nous parlions de toi ?
Enthousiasme, souffle créateur qui anime l’écrivain, l’artiste, le chercheur
Synonymes : invention, imagination, impulsion, révélation, trouvaille, exaltation, idée, illumination…
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Y a-t-il quelque action magique ou mystique dans le processus ? Des êtres invisibles soufflent-ils à l’oreille de l’artiste ? C’est souvent comme cela que l’on te perçoit, mon amie. Les Anciens Grecs te personnifiaient par les Muses, intermédiaires entre les artistes et les dieux. Encore aujourd’hui, « muse » désigne une personne qui donne l’inspiration. Derrière le mot se cache l’idée que la création est soufflée par une force supérieure (divine ?) et apparaît toute faite dans l’esprit de l’écrivain. Le diamant est déjà là, il n’y a plus qu’à le polir un peu pour le faire briller.
Cette vision poétique me plaît et me chagrine tout à la fois, car elle implique que l’artiste n’est pas le « maître » de son œuvre. Il n’est que l’instrument qui le transmet au monde. « L’inspiration est l’hypothèse qui réduit l’auteur au rôle d’un observateur », disait Paul Valery.
Inspiration, j’aime à te définir comme l’idée qui germe à l’ombre de l’esprit de l’artiste. Celle qui se nourrit de son imaginaire, de son expérience, et qui se développe, se fraye tant bien que mal un passage. L’idée qui grossit en attendant patiemment que l’artiste y prête attention et décide alors, soudainement, de l’aider à fleurir. Tu n’es donc plus un instant précis, celui où l’écrivain choisit d’accorder à l’idée sa lumière, mais un processus long de création. D’abord inconscient, puis concret. Le diamant ne tombe pas du ciel, on creuse pour aller le chercher, on fouille, on gratte, on l’extrait et on le travaille. Adieu forces mystiques, l’auteur est le seul à récompenser !
Cette dernière façon de te voir, chère Inspiration, me parle, m’intrigue, me rappelle mes propres créations. Cela m’explique aussi la « page blanche », phénomène connu des écrivains, qui semble parfois insurmontable. Et s’il ne s’agissait pas de manquer d’idées, mais seulement de ne pas les avoir assez travaillées ?

Mais si tu n’es pas soufflée par une force surnaturelle, d’où viens-tu ?
Je te vois dans tout ce qui m’entoure : un paysage, un son, une odeur, un détail. Je te trouve au détour du chemin durant une promenade, dans un éclat de rire, dans les personnes que je rencontre… Tu arrives à tout moment, à n’importe quel endroit. Si tu te nourris de mon imagination et de mes expériences, tu nais aussi de ces dernières. L’auteur est sa propre inspiration.
Le problème, pour moi, et pour beaucoup, je pense, ce n’est pas de saisir ton souffle discret et indistinct, mais de le rendre dense afin de le façonner.
Pour ma part, j’ai plusieurs techniques pour cela. Je trimbale toujours sur moi un petit carnet pour y noter tes moindres apparitions, même insignifiantes. Il y a tant de choses sur ses pages ! Des récits, des mots posés en vrac, des croquis, des images, des sensations…
J’ai un autre carnet. Que veux-tu ? C’est une passion ! Dedans, j’y consigne mes rêves. Qu’est-ce que j’en fais ! Tous longs et foisonnants de détails ! Une vraie mine d’or pour toi, Inspiration !
Parfois, quand j’ai un peu de temps, j’observe les gens autour de moi. Je me mets à imaginer leur prénom, leur métier, et toute leur vie. Ils deviennent des personnages vierges dont il faut inventer l’histoire !
Je serais curieuse de savoir comment font les autres pour te saisir…
Il y a tant à dire sur toi, mon amie. Je pourrais ouvrir un débat pour savoir comment chacun te voit, te perçoit… Il y a sûrement des chercheurs qui se sont penchés sur ton cas. Cependant, je n’aurais jamais qu’une certitude à ton sujet : la vision que j’ai de toi évoluera avec moi. Et elle a déjà commencé à changer.
L’inspiration, ce n’est peut-être que la joie d’écrire : elle ne la précède pas.